Rêv(e)oltons-nous !

Débat dans le journal de la joie de vivre de mars 2011 (n°78) avec Serge Latouche, Philippe Corcuff et Anne-Isabelle Veillot

Voici la contribution du Parti Pour La Décroissance

Les récents évènements se déroulant en Afrique du nord et au Moyen-Orient ont montré que la volonté populaire est encore capable d’avoir une prise sur des pouvoirs politiques soutenus par l’oligarchie. Ces populations ont su prendre en main leur destin et faire le choix de la démocratie. Même si le projet de Décroissance ne se retrouve pas au centre des revendications de ces soulèvements, on ne peut que les soutenir et saluer la volonté de ces peuples de se réapproprier leurs choix de vie.

La fête et l’enthousiasme, faute de projet alternatif soutenable mais surtout souhaitable, risque de tourner court. En effet, ces révolutions courent malheureusement le risque de participer à l’uniformisation du monde autour de la société de croissance qui fait de nous des travailleurs-consommateurs compulsifs, engourdis par la publicité et la télévision.

Les motifs de révoltes en Occident ne manquent également pas. Le saccage exponentiel et programmé (extractions des gaz et huiles de schistes, OGM, etc.) de la nature, l’augmentation des inégalités sociales, la raréfaction des matières premières et l’augmentation de leur prix, ainsi que de celui des denrées de première nécessité, le mépris affiché de la caste dirigeante pour la population forment un tableau explosif depuis plusieurs années.

La hausse continue des prix, liée à la spéculation mais surtout à l’épuisement d’un certain nombre de matières premières (1), va vraisemblablement, comme en 2008, toucher les plus faibles et entraîner une forte récession, voire des révoltes de la faim, ici-même en Europe, et risque de cristalliser tous les mécontentements pour déboucher sur un mouvement populaire, comme on le voit actuellement de l’autre côté de la Méditerranée.

Cet esprit de révolte a plus de chance de conquérir tous les indécis qui, touchés directement dans leur confort, vont enfin se mobiliser car il est toujours plus facile de « s’unir contre » que s’unir autour d’un projet dans une difficile recherche de consensus.

Dans cette configuration, ce n’est pas forcément le système croissanciste qui serait remis en cause mais seulement ses excès et ses outrances. D’autant plus qu’on ne peut ignorer le danger qui guette tout acte rapide et incontrôlable comme une révolte : la récupération par l’extrême-droite qui parvient toujours à séduire en temps de crise par le repli sur soi et la désignation d’un ennemi externe à sa définition de la société.

Une crise provoque frustration et appelle à la violence et à la recherche de coupables. L’enjeu aujourd’hui pour la Décroissance est de créer de la réflexion, du recul et de l’analyse là où il y a frustration et colère, et de créer de la solidarité, des liens sociaux et humains là où la droite cherche à diviser en désignant des boucs émissaires. A nous de maintenir une aspiration au partage et à la convivialité fondée sur une compréhension sans concession des causes de la crise.

Mais, les projets de Décroissance demandent une prise de conscience et un temps de réflexion qui ne sont pas adaptés au bouleversement rapide que constitue une révolte. Ces idéaux remettent en cause les fondements de notre société de croissance dans toutes les sphères de notre vie quotidienne : individuelle, familiale, collective et politique. Pour convaincre, il faut laisser à la pensée critique le temps de faire son travail pour atteindre la masse critique.

Pour autant, être objecteur de croissance, c’est déjà se révolter au quotidien : être dans la simplicité volontaire, participer à une alternative concrète, colporter la Décroissance à travers des livres, un journal, des actions, une participation à des élections, ce sont déjà des actes de résistance au système croissanciste. Cette révolte s’inscrit dans une réflexion qui guide l’action.

Aujourd’hui, l’enjeu est plus que jamais entre Décroissance ou barbarie.

Si, comme Hervé Kempf, nous pensons qu’il faut en finir avec l’oligarchie, nous restons conscients que cela n’est pas suffisant. Ainsi, la Décroissance, dans son rôle de poil à gratter idéologique, en s’appuyant aussi sur ses alternatives concrètes et ses réflexions autour d’un projet politique, doit être présente pour à la fois expliquer l’origine des crises présentes et à venir, et proposer des pistes de sortie, de transition vers de nouveaux projets de sociétés soutenables et souhaitables.

Afin d’obtenir une amélioration immédiate de notre situation démocratique, un soulèvement populaire, même si l’on ne peut prévoir à quoi il aboutirait précisément, peut représenter une étape vers une société de Décroissance. Alors, laissons surgir l’espoir d’une société meilleure et prenons en main notre destin !

Anne-Isabelle Veillot, co-candidate aux élections cantonales avec Yvelines-Décroissance
http://www.partipourladecroissance.net/?cat=38
Texte rédigé collectivement

(1) « Une récession temporaire… ou la fin de la croissance ? », texte de Richard Heinberg,
http://www.partipourladecroissance.net/?p=4425 et aussi dans la Décroissance de septembre 2010

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