La
Promouvoir une transition démocratique et sereine vers des sociétés soutenables et surtout souhaitables de Décroissance.
« L’homme ne désire pas par nature gagner de plus en plus d’argent, mais il désire tout simplement vivre selon son habitude et gagner autant d’argent qu’il lui en faut pour cela ».
Max Weber
Version de mars 2012 à télécharger en pdf
La première des Décroissances[1] doit être la décroissance des inégalités. Ainsi, une des propositions souvent mise en avant et débattue par les Objecteurs de Croissance (OC) est l’instauration d’une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (DIA) couplée à un Revenu Maximum Autorisé (RMA). Cette DIA serait versée à toutes et tous et de manière égale de la naissance à la mort, afin de garantir un niveau de vie décent et déconnecté de l’occupation d’un emploi[2]. Cette dotation serait individuelle, inaliénable et cumulable à tout autre revenu et traduirait la reconnaissance de la contribution de chaque individu à la société, à travers l’ensemble de ses activités, notamment non-marchandes.
Sans être une fin en soi, la DIA pourrait être un outil économique et social formidable pour initier une transition démocratique[3] et sereine vers une sortie de l’asservissement au travail, une sortie du capitalisme, une relocalisation de l’économie, une repolitisation de la société grâce à la réappropriation de nos choix de vie et permettre ainsi à toutes et tous de participer à la construction de sociétés de Décroissance soutenables, souhaitables et conviviales.
Pourquoi une dotation ?
- Une dotation pour une décroissance des inégalités (protection, partage contre austérité et compétition)
- Une dotation pour une sortie de l’asservissement au travail
- Une dotation pour une sortie du capitalisme et de l’économicisme (crise de la dette : ni austérité, ni relance)
- Une dotation pour une relocalisation ouverte
- Une dotation au service d’une démocratie réelle
- Une dotation pour initier une transition vers des sociétés de Décroissance soutenables, souhaitables et conviviales
Une dotation pour toutes et tous, de manière inconditionnelle de la naissance à la mort, permettant d’avoir une vie frugale et décente, avec :
- Droit d’accès à un logement et au foncier
- Droit de tirage sur les ressources naturelles et énergétiques
- Accès à la santé
- Accès aux transports
- Accès à l’éducation
- Accès à la culture et droit à l’information
Une dotation pour une décroissance des inégalités
Par sa mise en place, la Dotation Inconditionnelle d’Autonomie permettrait à tout individu de bénéficier de conditions de vie décentes et dignes en favorisant l’autonomie de chacun tout en faisant cesser la dépendance au travail salarié. De même, on sortirait du cycle infernal de l’exclusion voir de l’humiliation liée à un chômage grandissant surtout chez les plus jeunes. En étant versée automatiquement à toutes et tous, elle n’entraîne aucune exception de fait ou de droit. La DIA renforce le système de protection sociale dans son ensemble car elle assure un socle de biens et de services essentiels. Elle sécurise la vie humaine pour devenir une pièce maîtresse d’un nouveau modèle social car ni un emploi, ni les aides sociales classiques ne peuvent prétendre garantir un droit à l’existence digne. La DIA créerait ce lien de solidarité indispensable entre tous les membres de la société.
En outre, cette dotation s’accompagnerait obligatoirement de l’instauration d’un Revenu Maximal Autorisée (RMA) dont le montant[4] devra être discuté démocratiquement dans l’optique de lutter contre les écarts de revenus, parce que la Décroissance en politique vise bien la décroissance des inégalités. Ainsi, en étant reçu par tous sans plafond de ressources mais imposable et donc récupérable entièrement par la fiscalité, la DIA permettrait de réduire les inégalités. A ceux qui pensent que le RMA serait obsolète si la DIA était en vigueur car, dans ce cas, les inégalités seraient moins choquantes puisque tout le monde disposerait des conditions matérielles pour vivre dignement et décemment, nous leur rétorquons que le RMA est également un moyen de réduire l’impact écologique des plus riches, d’éviter de scandaleux gaspillages et d’outrancières pratiques et surtout de rompre avec la place qu’a pris dans nos imaginaires le mode de vie des plus aisés[5].
Enfin, face à la crise économique et sociale qui touche de plus en plus de citoyens et surtout face aux crises à venir[6], il est nécessaire de redonner de la sérénité et de la sécurité. En effet, la peur du lendemain, la souffrance engendrent replis identitaires, haines, violences, frustrations et n’ont que peu de chance de créer les conditions d’une transition démocratique. Il faut ainsi redonner de l’espoir, de la sérénité et protéger afin de faire ressortir ce qu’il y a de plus positif, constructif, de créer des solidarités et de rendre cette transition participative.
Une dotation pour une sortie de l’asservissement au travail
La DIA est avant tout l’outil permettant la réalisation des droits fondamentaux de chaque individu en le libérant de la centralité du travail par sa transformation en une activité volontaire et épanouissante[7]. Cette dotation s’inscrit dans une réflexion qui ne fonde pas l’émancipation des hommes et des femmes sur le travail. L’élévation du travail au rang de valeur fondamentale résulte d’une idéologie productiviste et consumériste qui est incompatible avec un quelconque épanouissement de l’individu. De plus, aujourd’hui, le monde du travail est devenu un monde de compétition avec la menace du chômage, de stress avec les nouvelles méthodes de management, d’altération de la convivialité avec une quête toujours plus forte de productivité et surtout de perte de sens avec la spécialisation et la répétition des tâches ou encore lorsque ce travail devient néfaste pour la société[8].
Outil pour décoloniser notre imaginaire social, la DIA vise à ne plus faire du travail notre seule référence, le seul fondement du lien social et le seul moyen pour essayer de vivre dignement.
Avec cette dotation, nous cesserons de dépendre pour notre intégration économique et sociale du statut lié au travail salarié. C’est permettre à d’autres moyens d’expression individuels ou collectifs de se libérer, c’est aller vers une société d’activités choisies et librement négociées plutôt que vers le travail subi tout en favorisant l’émergence d’un « tiers secteur » (activités associatives, familiales, politiques, culturelles, c’est-à-dire des activités dites « hors-marchandes »).
En outre, la DIA met fin au chômage comme problème économique et social et favorise la répartition des tâches difficiles. Elle est une prime à cette réduction et est susceptible, alors, d’enclencher un réel partage des travaux pénibles. La DIA aura des répercussions sur les rémunérations et permettra de mieux évaluer le salaire pour chaque emploi dans le but d’en faire une activité volontaire, en ré-estimant, par exemple, les tâches pénibles. Ces dernières pourraient être réorganisées dans le cadre d’un « service d’intérêt général » commun à tous les citoyens.
Sans signifier une désertion du marché du travail, la DIA enclencherait une baisse de l’activité économique, mais, est-ce réellement un problème alors que nous produisons déjà trop et que nous vivons au-dessus de nos moyens et de nos besoins[9] ? Ce sera à chacun de s’organiser et traduire cette décroissance du gâchis et du superflu dans la vie quotidienne, autrement dit ne plus passer sa vie à produire des choses inutiles pour les vendre à des gens qui n’en ont pas besoin.
Une dotation pour une sortie du capitalisme et de l’économicisme
La DIA est un biais afin de sortir de la société croissanciste, productiviste et consumériste qui guide nos vies, nos besoins et nos espérances. C’est une condition obligatoire pour amorcer le virage vers une société de Décroissance. Cependant, la DIA ne sera efficace que si et seulement si cette dotation ouvre la possibilité d’un autre choix de société qui n’est pas celui de vivre pour consommer. Proposer la DIA, c’est remettre en cause fondamentalement la logique capitaliste et chercher un autre mode d’organisation sociale qui va plus loin que de secourir les plus démunis ou corriger le système à la marge, mais bien le renverser car il est dans une impasse.
Le but du capitalisme est de tout faire rentrer dans son domaine marchand. Une sortie douce du capitalisme est le chemin inverse. Pour cela, cette dotation doit s’inscrire dans l’extension des sphères de la gratuité car tout ce qui est gratuit, dont la propriété est collective et dont nous partageons l’usage, s’intègre de facto à la DIA pour se libérer des forces du marché. Cette gratuité se justifie pour le bon usage et s’équilibre par le renchérissement du mésusage. Cela nécessitera de débattre collectivement des besoins et des champs d’intervention des services publics, sensés fournir ces biens et services essentiels, du rôle et de la place de l’économie mais aussi des limites à s’imposer. C’est une gratuité socialement et démocratiquement organisée et acceptée.
La DIA est donc synonyme d’un accès libre et gratuit à certains biens et services dont la propriété et la gestion sont collectives comme le droit que nous partageons sur leurs usages. Quelques pistes sont évoquées plus loin. En fait, la DIA permettrait que chacun jouisse d’une petite part mais suffisante des richesses collectives.
La DIA n’est donc pas un revenu numéraire en €[10], équivalent gonflé de l’actuel RMI ou RSA à hauteur de 1 200 €. Elle bouscule l’imaginaire croissanciste et se recentre sur les besoins fondamentaux et essentiels pour permettre un épanouissement individuel et collectif fondé sur d’autres valeurs que celles portées par le capitalisme.
Le financement de la DIA, un vrai faux problème : vers une sortie de l’économicisme.
Le financement de la DIA est fréquemment évoqué pour signifier son impossibilité et classer cette mesure dans le champ du rêve. Or, la réalité est tout autre. Plusieurs études[11] ont démontré que la mise en place de la DIA était réalisable. C’est un choix politique et sociétal à assumer et surtout un changement de paradigme à imaginer. Ce choix de société, pour s’imposer, ne passera pas que par les urnes mais bien par la société qui, en grande majorité, sera prête dans son imaginaire à changer de vie, à ne plus travailler pour consommer mais à être autonome pour vivre ensemble.
Bien des réfractaires à la DIA puisent dans l’argument comptable pour la condamner avant même d’envisager une réflexion plus large sur son sens et son ambition. Cet argument sonne creux et respire la tromperie tant, par le passé, notre société a relevé des défis encore plus compliqués et financièrement aussi coûteux. Nous n’avons qu’à nous remémorer l’ambition du Conseil National de la Résistance et les mesures prises après la deuxième guerre mondiale. Plus proche de nous, le sauvetage des banques (et du système financier) a montré que l’Etat disposait de « ressources » mobilisables rapidement. L’argument comptable est donc tout aussi fallacieux que l’imposture de la création monétaire[12] ou des dettes, publiques ou privées, qui, quelle que soit la croissance, ne pourront jamais être remboursées[13]. La DIA est un défi sociétal et un choix qui peut s’imposer si nous souhaitons réellement sortir du capitalisme. Il suffit d’avoir l’audace, le courage politique mais surtout une forte adhésion et participation à cette volonté de changement.
La DIA sous-entend de repenser notre système de redistribution et de solidarité en supprimant les prestations et allocations sociales, devenues obsolètes tout comme les politiques agressives pour l’emploi ou de luttes contre le chômage. Elle nécessitera une profonde réforme fiscale avec, par exemple, la réhabilitation de l’impôt progressif sur le revenu afin de taxer à 100 % au-dessus d’un certain niveau à définir démocratiquement qui serait le Revenu Maximum Autorisé (RMA) ou l’instauration d’une réelle taxe à la consommation visant à pénaliser les productions non locales et/ou non respectueuses de l’environnement ou encore inutiles voire néfastes (publicité, armement[14], obsolescence programmée[15], jetables…). Certaines prestations disparaîtront car elles seront mobilisées pour assurer la pérennité de la DIA : elles seront inclues dans la DIA.
Encore une fois, rien d’impossible, tout reste à inventer car l’instauration de la DIA est envisageable et possible d’un point de vue budgétaire[16]. Elle l’est encore plus du point de vue des ressources, qu’elles soient énergétiques ou économiques puisqu’elle a vocation à rationaliser et à rendre soutenables nos modes de vie.
La DIA ne sera pas que monétaire mais devra également être la mise à disposition de services et de matériels pour bien vivre. Cela suppose que les collectivités reprennent à nouveau certains services publics comme l’eau, le gaz, l’électricité ou les transports afin d’étendre la sphère de gratuité.
Une dotation pour une relocalisation ouverte
Et ainsi favoriser la décroissance de la consommation des ressources non renouvelables : vers une souveraineté alimentaire et énergétique locale.
Aujourd’hui se mettent en place un peu partout des collectifs, des projets locaux, que l’on appelle alternatives concrètes. Ces alternatives participent à une relocalisation ouverte[17] souhaitable et nécessaire de nos productions, de nos échanges, de nos rapports économiques. La DIA pourrait servir de support à ces alternatives déjà existantes et aussi en favoriser l’émergence de nouvelles. Par exemple, la DIA pourrait être versée en monnaies locales fondantes[18] ne pouvant être utilisées que pour des produits de proximité. Elle aiderait ainsi au soutien et à la naissance de jardins partagés, d’ateliers autogérés de réparation, maintenance, d’artisanats, de systèmes d’échanges locaux (SEL), de mise en commun de matériels, d’habitats partagés, de réflexions sur la résilience[19], de développement d’énergies locales et artisanales et ainsi tendre vers une souveraineté à la fois énergétique et alimentaire et vers une sortie de notre dépendance aux énergies fossiles et en particulier au pétrole.
Une dotation au service de la démocratie
Vers une réappropriation de nos choix de vie
La DIA offre à chaque citoyen la jouissance pleine et entière de la démocratie car elle rend à l’individu son autonomie et sa réflexion pour agir dans la société, celles-ci n’étant plus monopolisées par le travail. Elle est un outil de transformation sociale et de réappropriation de nos choix de vie.
En apportant une solution au chômage et en favorisant le partage du travail, la DIA concrétise la revalorisation sociale des activités non-marchandes et, surtout, remet en cause le monopole du travail comme source d’intégration et de reconnaissance sociale.
Elle recentre l’individu dans la société, non plus en fonction de son emploi mais en l’ouvrant vers des perspectives d’épanouissement personnel permettant une émancipation individuelle et collective favorable à l’usage d’une démocratie réelle, ouverte et participative qui ne dépend plus de facteurs économiques.
Libéré-e de l’obligation du travail, chaque citoyen-ne aura le temps mais aussi la possibilité de participer à la vie de la cité. La DIA peut dès lors contribuer à une repolitisation de la société et à une resocialisation de la politique en impliquant les citoyens. Ainsi, la manière dont la DIA sera versée doit être décidée démocratiquement et, au moins pour une partie, localement : quelle quantité d’eau, de nourriture, d’énergie est considérée comme un droit et à partir de quel niveau elle devient un produit marchand taxé. De même, la répartition des tâches difficiles et l’organisation de la réalisation de celles-ci devront être discutées et décidées collectivement.
Cela doit participer à une réappropriation du choix de ce que l’on produit, comment on le produit et pour quel usage.
Une dotation pour initier une transition vers des sociétés de Décroissance soutenables, souhaitables et conviviales
Outil de justice sociale, de lutte contre l’aliénation du travail tout en permettant le respect des besoins fondamentaux de toutes et tous, la DIA est indispensable pour engager la société dans le chemin de la Décroissance. Facteur d’émancipation, elle favorise l’autonomie sociale et financière tout en réduisant les inégalités grâce au RMA et en permettant un égal accès aux besoins et services fondamentaux.
Afin de mieux comprendre ce que pourrait représenter la DIA, nous allons maintenant énumérer de façon sommaire des pistes, des propositions qui sont à explorer, réfléchir, critiquer, à mettre en perspective, à préciser mais aussi à compléter et à inventer pour rechercher ce que serait concrètement une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie.
Uto-pistes sur la DIA
Une partie de la DIA peut être versée en monnaie mais en monnaie locale fondante. Ainsi, la DIA permettrait de s’affranchir de la monnaie traditionnelle en la privant de sa fonction de thésaurisation et de spéculation pour la ramener à ses seules fonctions d’évaluation et d’échange. La DIA, ainsi composée contribuerait à sortir du système financier et monétaire actuel. La monnaie pourrait, aussi, être affectée à une utilisation circonscrite à certains commerces, certains usages ou territoires.
Il peut toutefois être envisagé de verser une partie, et seulement une partie[20], de cette dotation en monnaie nationale (euros).
Droit au logement et d’accès au foncier
Le logement est un droit fondamental à prendre en compte dans la DIA. La question foncière est difficile mais chaque personne doit pouvoir vivre dans un logement décent et énergétiquement sobre. Chacun pourrait, par exemple, disposer d’un nombre de m² minimum et payer le surplus au prix du marché (d’un marché fonctionnant démocratiquement avec des instances de contrôle et de régulation).
Ainsi, la loi de réquisition doit être appliquée afin de sortir de la spéculation et de refuser cette injustice et cette absurdité dans nos société dites développées, d’avoir toujours plus de sans abris et de mal logés et des logements vides appartenant à des sociétés ou des particuliers spéculant sur l’immobilier.
Ce droit au logement doit s’inscrire dans une logique de relocalisation de la vie et permettre de réduire les déplacements quotidiens en repensant l’urbanisme.
De même pour l‘accès à la terre ou à un local d’activité, cette dotation doit permettre l’accès à un certains nombre de m² pour produire localement des fruits et légumes et/ou à un local pour initier des activités locales faisant sens (atelier vélo, atelier de réparation, services, artisanat, culture…) afin de démarrer, de faciliter, de promouvoir et de soutenir des alternatives concrètes de transition (jardins partagés, Systèmes d’Échanges Locaux, SOL, Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne, initiatives villes, territoires en transition, etc.).
Ressources naturelles et énergétiques
La DIA comprend un droit de tirage sur les ressources naturelles de base (l’eau, le gaz et l’électricité) fondé sur la gratuité du bon usage et le renchérissement du mésusage. Ainsi, les premiers kWh ou m3 consommés seraient gratuits, puis le tarif deviendrait progressif jusqu’à pénaliser les consommations jugées trop importantes. Il n’est plus possible de tolérer que l’eau pour remplir sa piscine ou pour laver son 4×4 soit payée le même prix que celle permettant de laver ses légumes, de faire la vaisselle ou encore de se laver.
Ainsi, on pourrait imaginer qu’au début de chaque mois, les compteurs d’eau, de gaz, d’électricité soient négatifs d’une certaine quantité.
Santé
Le système de Santé reste une composante de la DIA tant il paraît évident que l’accès aux soins est un droit essentiel pour tout individu, mais aussi un vecteur social fondamental de la vie locale. Cela nécessitera une refonte de l’organisation médicale (de l’organisation géographique pour une santé de proximité au système des mutuelles afin de nous réapproprier nos solidarités). Par contre, tout abus ou médication de confort ne devra pas être gratuite mais bien à la charge du patient. La mise au point, la fabrication et la distribution des médicaments devraient ainsi devenir un service public ou au moins sous tutelle permettant l’indépendance vis-à-vis des lobbies et la diminution des gâchis (à distribuer par exemple à l’unité plutôt qu’en boîte).
Education
L’éducation fait également partie intégrante de la DIA. Le système éducatif devra être réellement gratuit et ne pas générer des dépenses excessives pour les familles. La gratuité doit être totale afin que ce pan essentiel de la vie de nos enfants – mais il en est de même pour la formation continue ou les activités associatives et sportives – reste un espace non discriminant où l’argent n’a pas sa place. Une politique de formation à l’autonomie, c’est-à-dire une formation tout au long de la vie non pas pour trouver un emploi rémunérateur mais s’épanouir individuellement et collectivement selon ses désirs et ses attentes, devra également être envisagée. De même qu’une sensibilisation civique à la vie en société : réappropriation de la politique, écoute, débats, prises de décision, communication non violente, service civique…
Transports
Au niveau des déplacements, les collectivités devront envisager la gratuité des transports collectifs de proximité et mettre à disposition les moyens d’utiliser les transports doux, par exemple en proposant gratuitement des vélos ou en offrant à chaque individu une bicyclette et un forfait entretien. On peut également imaginer un système de forfait kilométrique gratuit de transports en commun dont tout dépassement serait à la charge de l’usager.
Cette dernière option permettrait notamment de relocaliser l’activité. Ainsi, la gratuité du transport domicile-travail ou domicile-activité sera limitée et ne pourra pas être uniquement à la charge de la collectivité ou de l’employeur car l’employé n’aurait pas forcement intérêt à relocaliser sa vie. La proximité a ses limites et, à nous, de ménager le territoire afin que tout individu puisse réduire ses parcours et relocaliser sa vie. Dans ce cas, si un citoyen désire habiter loin de son lieu de travail, à lui d’assumer ce choix.
Culture et droit à l’information
La culture est un des éléments de la DIA. L’accès aux lieux culturels ne doit pas être freiné par un critère financier mais, au contraire, encouragé par la gratuité et/ou sous forme de forfaits. Parce que la culture est un préalable à toutes pensées politiques, elle doit figurer comme le cœur d’un nouveau paradigme, la société de Décroissance.
La culture, l’art, nous forme, nous transforme tout au long de notre vie, nous nourrit, nous relie à notre corps, à notre langue, à notre humanité, mais aussi à notre passé, à notre mémoire collective : la langue, qui nous permet d’appréhender le monde, de tenter de le comprendre et de l’imaginer autre, est aussi un courant qui nous relie et nous permet de « faire société », d’agir sur le monde, d’échanger avec l’autre, et donnent envie de vivre pour ceux qui viennent en leur préparant des sources de résistances.
Comme l’explique la philosophe Marie-Josée Mondzain, défendre la culture n’est pas défendre une politique culturelle, c’est lutter contre l’effondrement de la politique. La culture en tant que condition de la parole, de la circulation des débats, des jugements, est ce qui provoque le changement, ouvre la voie à la création, à l’imagination. Elle est donc indispensable à notre accès à la citoyenneté, à la liberté et à l’égalité.
Le droit à une information diverse et indépendante est essentiel à la vie d’une société. Ainsi la publicité dans les médias sera fortement taxée afin de financer des médias indépendants et un journalisme d’investigation de qualité.
Conclusion
Il va de soi que cette dotation est à décliner en partie localement, de manière choisie et démocratique, en fonction des contraintes et des besoins locaux mais aussi des cultures et des traditions. On peut envisager de mettre en place cette DIA à différents niveaux (quartier, ville, région, pays, Union Européenne, monde) et aussi en commençant par étape : par exemple localement avec ici la mise en place d’une monnaie locale fondante pour acheter des fruits et légumes produits localement, ou encore là, la mise en place de la gratuité du bon usage de l’eau ou nationalement avec la mise en place d’un revenu inconditionnel d’existence ou de l’accès à la santé gratuite.
Une dotation inconditionnelle d’autonomie s’inscrirait dans une continuité historique de l’émancipation humaine en élargissant les droits fondamentaux[21] et en donnant une chance réelle d’appropriation de nos choix de vie tout en initiant une bifurcation, une transition vers l’après-développement et la sortie de l’impasse dans laquelle nous amène cette société de Croissance, capitaliste, productiviste et consumériste.
[1] Nous faisons la distinction entre la Décroissance (avec majuscule) qui est à la fois un slogan mot obus, le nom d’un nouveau mouvement politique et aussi le nom d’un projet politique et la décroissance (avec minuscule), qui correspond au sens premier du terme en français comme décroissance des inégalités ou de l’empreinte écologique.
[2] Cette dernière condition peut être discutée et l’octroi de la DIA conditionné à la participation ponctuelle à des actions civiques ou à la mise en place d’un service civique.
[3] Vincent Liegey (texte collectif), Novembre 2010, La Décroissance sera-t-elle autoritaire ? La Décroissance sera démocratique ou ne sera pas !, Journal La Décroissance, n°74.
[4] Un rapport de 1 à 4 avait été évoqué par le Parti Pour La Décroissance lors des élections européennes de 2009 (listes Europe-Décroissance). http://www.partipourladecroissance.net/?p=2605. De son côté Europe-Ecologie-Les-Verts propose un rapport de 1 à 30 et le Parti de Gauche un rapport de 1 à 20.
[5] Thorstein Veblen et sa Théorie de la classe de loisir (1899), reprise par Hervé Kempf dans son livre « Comment les riches détruisent la planète », Seuil, Paris, 2007.
[6] Crise liée à la raréfaction des ressources naturelles qui débouchent sur une augmentation des prix de celles-ci et donc sur des récessions successives qui appauvrissent toujours plus les plus précaires. Voir, entre autres, l’excellente analyse de Richard Heinberg sur la crise de 2008 : « Une récession temporaire… ou la fin de la croissance ? », http://www.partipourladecroissance.net/?p=4425
[7] André Gorz, « Métamorphoses du travail », Folio Essais, 2004 et « Repenser le travail », écoRev’ n°28, automne-hiver 2007.
[8] Voir par exemple les initiatives de désobéissance civile dans les services publics et ces agents refusant de suivre des directives allant à l’encontre même de la notion de service public. Ainsi, avec ces ingénieurs qui refusent l’obsolescence programmée et la conception d’objets dans le seul but de faire tourner l’économie.
[9] Une des objections principales à l’instauration d’une telle dotation découplée du travail salarié est la désertion du marché du travail, c’est-à-dire est-ce que l’on ne va pas choisir « l’oisiveté » plutôt qu’une participation à « l’effort » productif ? Plusieurs contre-arguments peuvent y être opposés parmi lesquels :
– Plusieurs études ont montré que dans le cas d’un revenu garanti (que ce soit dans le cadre de mise en place expérimentale de la DIA ou pour des gagnants d’une loterie du type 1000 euros par mois), la grande majorité des personnes concernées gardent un emploi.
– A ceux qui ont peur des tensions que pourraient créer une hypothétique division de la population entre une partie ayant choisi le travail salarié « productif » et une autre partie , considérée comme « parasite » de la société marchande, on pourra rétorquer que le système actuel a déjà un coût non négligeable à leur « charge » et qu’il représente la contrepartie de la société de croissance : coût du chômage de masse et de ses conséquences humanitaires et sociales (exclusion, pauvreté, dépression, alcoolisme…), coût des maladies liées au travail, stress, travail précaire (consommation d’antidépresseurs, arrêt de travail), ou encore des conséquences de ce modèle productif sur l’environnement (pollution, épuisement des ressources) mais aussi des relations nord-sud (pillage organisé du sud par le nord avec 20% des plus riches qui s’approprient 87% des ressources naturelles, guerres d’appropriation des ressources, notamment fossiles), etc.
– Si tout le monde déserte le travail, cela ne signifie-t-il pas qu’il est pour tous ceux-là, en ce moment, une obligation, une contrainte, une aliénation plus qu’un mode d’épanouissement? Ce sera donc une preuve de plus que l’organisation sociale avait besoin d’être repensée et refondée.
– Enfin, alors que la souffrance au travail est toujours plus grande, on constate que le nombre de bénévoles est toujours très élevé en France. Ainsi on estime à 12 millions le nombre de français-es qui participent à des activités bénévoles.
[10] C’est la différence majeure entre la notion de revenu (de base, universel, inconditionnel d’existence…) et de dotation. Nos réflexions sur la notion de dotation s’appuient sur la notion de revenu et les travaux associés (notamment les travaux de Baptiste Mylondo), mais pas seulement. Elles s’appuient aussi sur celles de l’extension des sphères de la gratuité (gratuité, quasi-gratuité du bon-usage et renchérissement du mésusage), les réflexions sur les monnaies locales fondantes et aussi nos réflexions sur une transition démocratique et sereine vers des sociétés de Décroissance, pour une sortie du capitalisme et du productivisme. C’est la critique que nous faisons du revenu inconditionnel bien que nous soulignons l’avancée culturelle et sociale que celui-ci représente. Nous craignons qu’il n’aille pas assez loin et qu’il soit plus un palliatif à une société malade, en particulier du fait qu’il risque de renforcer le système capitaliste en partageant non pas les biens mais l’argent et qu’il ne questionne pas sur le contenu, le sens de l’utilisation de celui-ci.
[11] Voir les travaux du professeur Yoland Bresson, Baptiste Mylondo, Jean Vassilev, P. Van Parijs, Y. Moulier Boutang, Carlo Vercellone, Jean-Marie Monnier, B. Van Der Lynden ou encore Alain Caillé.
[12] Voir par exemple le documentaire « L’argent Dette » de Paul Grignon. http://www.partipourladecroissance.net/?p=131
[13] Voir entre autres, les excellents travaux du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM). Les dettes publiques, au nord comme au sud continuent à justifier la mise en place de politiques d’austérité, de casse des services publiques et de privatisations qui ne servent que l’intérêt de l’oligarchie.
[14] L’armement et la publicité représentent les deux premiers budgets mondiaux avec respectivement plus de 1000 milliards de dollars et plus de 500 milliards de dollars ! Il s’agit ici d’engager une reconversion de ces connaissances, compétences, expériences et ressources vers des activités socialement et humainement souhaitables.
[15] Voir l’excellent documentaire : « Prêt à jeter », http://www.partipourladecroissance.net/?p=6055
[16] Baptiste Mylondo, « Un Revenu pour tous ! Précis d’utopie réaliste », les éditions Utopia, 2010.
[17] Nous souhaitons insister sur la notion d’ouverture c’est pourquoi on parle de relocalisation ouverte afin de bien la distinguer d’une logique de replis identitaire. En effet, un des risques avec la notion de relocalisation est de retomber dans des sociétés s’enfermant dans l’entre-soi. Le projet de Décroissance est un projet d’émancipation humaine qui ne pourra passer que par une ouverture culturelle et sociale vers l’autre.
[18] Monnaies locales fondantes : il s’agit d’une monnaie dont la valeur diminue dans le temps, afin de lutter contre la logique de spéculation. Son but est de promouvoir des échanges et une économie locale et soutenable.
[19] Résilience : concept souvent mis en avant dans le mouvement des villes en transition, il s’agit de la capacité d’une communauté à résister aux crises à venir, en particulier se préparer au pic de pétrole en sortant de notre dépendance à celui-ci.
[20] Voir note 6 sur la différence entre revenu (de base, universel, inconditionnel d’existence…) et dotation.
[21] Le principe de cette dotation, donnant le droit de vivre dignement de la naissance à la mort de manière inconditionnel, pourrait être une extension de la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen.
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