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Je suis tombée en décroissance comme certains tombent amoureux, comme une espèce d’évidence. Du jour au lendemain, plus aucun compromis ne devient envisageable…. On a beau être écologiste convaincue depuis toujours, tomber en décroissance c’est ouvrir les yeux, d’un coup, d’un seul, sur les contradictions de nos choix de vie personnelle, professionnelle, associative… La transition qui s’amorce dès lors, plus ou moins difficilement, douloureusement, reste passionnante et enrichissante. Ce qui est sûr, c’est que l’on ne sait pas ce qu’il restera à la fin.
Tomber en décroissance, c’est vivre un deuil progressif, voire soudain, d’un imaginaire sociétal dans lequel nous nous étions construits, avions projeté notre avenir… et faire face rapidement à un sentiment d’impuissance abyssal qui nous pousse à aller à la rencontre de ceux qui sont déjà en chemin, de manière boulimique parfois (paradoxalement !), comme pour combler ce vide « conceptuel » brutal…
Tomber en décroissance, c’est accepter que nos rêves et notre réflexion se radicalisent… un temps, ou longtemps. Parfois nos positions se ferment de manière obstinée à tout ce qui composait l’ « avant », sans aucune indulgence vis-à-vis des autres, mais surtout de nous mêmes… Cette forme de radicalisation apporte son lot de clivage et d’incompréhension vis-à-vis de nos proches, sceptiques, et crée un sentiment de manque de souplesse… réel, un temps, ou longtemps… Les risques de repli sur soi, sur un collectif unique peuvent être grands… et pourtant…
Tomber en décroissance c’est avant tout essayer de ne pas reproduire les modèles individualistes et égoïstes que la société capitaliste nous propose. C’est inventer d’autres archétypes. Il s’agit, à mon sens, d’une démarche profondément intime et humaniste… en proposant des rapports ardemment respectueux et soucieux de l’autre, sans se désolidariser de nos contemporains en reniant notre appartenance à un corps social, ou en alimentant des comportements sécessionnistes, voire haineux. Devenir radicale en défendant des idées telles que celles portées par la Décroissance, c’est avant tout s’occuper des autres, en leur donnant toute leur importance, tellement celles-ci sont empreintes de partage, de solidarité, convivialité…
Partant de là, comment ne pas adopter une position radicalement écologique tant d’un point de vue environnemental que social. Comment respecter profondément l’humain si nous sommes partisans d’une exploitation infinie des ressources de la planète, qui pollue, rend malade, tue, détruit l’héritage des générations futures, et altère profondément les liens sociaux. Les terres agricoles et ceux qui les travaillent disparaissent à un rythme effréné. L’équivalent d’un département s’évanouit tous les 7 à 10 ans, recouvert de bitume et de ciment ! Sur les terres arables restantes, on cultive à grands coups de pesticides au nom du sacro-saint rendement. Comment être favorable au nucléaire civil et militaire, à l’exploitation du gaz de schiste, au maintien de l’armement, à la détérioration des services publics, à l’irrespect des droits fondamentaux ?
Tomber en décroissance est autant une démarche active que réflexive. Les mots, les réflexions ne seraient rien sans les expérimentations concrètes de transition, individuelles ou collectives…
Tomber en décroissance c’est accepter également que cette transition prenne du temps, et admettre que l’on puisse tomber, un peu, voire un peu plus bas que ce que l’on pensait… et s’apercevoir que l’on n’est pas seul.
… alors, que faire ?
Créer des espaces de « fabrication » de possibles, de vies, d’autonomies, de réappropriations, d’inventions, de réinventions, de gratuités, d’échanges, de créations, de relocalisations… Écrire pour rendre visibles nos analyses et nos diagnostics. Ré-investir la cité en inventant d’ authentiques espaces politiques et citoyens. Renouer avec notre vie de quartier, notre identité locale, régionale… Ré-enraciner notre vie et notre consommation à notre territoire, se reconnecter à la terre, ici, chez nous…, offrir des espaces de convivialité et d’échange où ensemble, dans nos diversités, nous élargissons le champ des possibles et proposons de nouveaux paradigmes pour la société de demain.
Certains parlent d’utopie… Mais l’utopie n’est-elle pas l’irréalisé, et non l’irréalisable, comme le suggérait Théodore Monod ?
Petei Sapiri, le 21.09.2012
Ce texte a donné suite à « Je suis tombée en décroissance mais… pas lui, pas elle, pas eux… » par Noëlmh
Si vous n’êtes toujours pas convaincus, voici de quoi méditer :
Voici le top cinq des regrets des malades en fin de vie, d’après une étude du Guardian :
1. J’aurais aimé avoir le courage de vivre comme je le voulais, et pas vivre ce qu’on attendait de moi
2. Je regrette d’avoir travaillé si dur
3. J’aurais voulu avoir le courage d’exprimer mes sentiments
4. Je regrette de n’être pas resté en contact avec mes amis
5. J’aurais aimé m’autoriser à être plus heureux
Quelques pistes pour aller plus loin :
1 – Rejoindre l’Alter Tour, le temps d’un été, pour relier les alternatives déjà existantes en sillonnant nos belles routes de France en bonne compagnie
2 – Lire les « 10 premiers conseils pour rentrer en résistance par la décroissance » :
3 – Être attentif au projet« Transformons Nos Territoires » du Mouvement Colibri initié par Pierre Rabhi
4 – Se renseigner sur le mouvement « Villes en transition »
et éventuellement regarder les films In transition 1.0 & In transition 2.0 (en anglais):
5 – Lire « Allons Faire-Ailleurs »
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