Petei
Oui, mais ?
[JE] suis tombée en décroissance…
[JE] suis tombé en décroissance…
L’évidence est là, je suis tombée en décroissance SEUL-E , ….pas elle, pas lui, pas eux….
Lui, elle, eux, ce sont ceux qui partagent ma vie. Compagne, compagnon, enfants, amis, collègues, voisins, tous ces intimes, tous ces très proches, qui n’ont pas suivi le même chemin.
Nous étions en promenades, insouciants, nous avancions ensemble sur les chemins de la vie, et je me suis retrouvée seule. Sont-ils restés en arrière, bloqués au pied d’un col, arrêtés dans un virage, ont-ils pris un autre chemin, ou au contraire ont-ils été entraînés par le TGV du système ?
Je ne sais pas, mais pour ma part, de petites racines, la germination de graines anciennes oubliées, la rencontre de petits plantules pleins de promesses… et je me suis arrêtée pour les observer. Tel un appel, surgie du passé, une force puissante m’a saisie. L’ « évidence » dont parle Petei Sapiri m’est apparue. Voilà, c’est par là qu’il faut aller. Je leur ai raconté, je leur ai montré, je leur ai donné des exemples, j’ai voulu les emmener avec moi, j’ai changé ma (notre) façon de vivre…une mère de famille peut faire cela. Certains préalables essentiels me sont apparus, évidents, que j’ai mis en œuvre.
Mais…ma décroissance leur est apparue déviante, hors norme, solitaire, irréalisable, invivable, utopiste, leur affection et leur indulgence l’a fait paraître au mieux bizarre, comme peut l’être une expérience de vie. Ils n’ont pas compris, n’ont pas voulu m’accompagner, ont refusé de lire, de s’informer avec moi, Ils m’ont prédit que – petite escargote solitaire -, ma coquille bien trop fragile allait se briser et que je risquais de me détruire, la force et la puissance étant de l’autre côté, pas du mien.
Solitaire, fragile, je le reste. Mes rêves et mes réflexions sont radicalisées pour longtemps. Clivage, incompréhension, manque de souplesse, repli sur soi, désabusement voire dépression sont là et me guettent.
« Ne pas faire sécession » nous dit Catherine Thumann (La Décroissance n° 91) . Pourquoi ? Mais alors, que faut-il faire ?
Des rencontres, des réunions avec leur partage, leur convivialité, les retrouvailles avec cette autre famille, cette deuxième famille devenue si importante, sont comme des retours à la vie, des remontées à la surface après de longs temps d’apnées.
Mon évidence, notre évidence n’est pas la leur. « Démarche active, réflexive » après un mal-être, couper certains liens car il n’y a plus de partage et qu’aucun partage n’est plus possible, malgré une certaine bienveillance. Une différence existe entre l’escargot et l’escargote, quand même. On dit d’elle qu’elle n’a pas le choix, qu’elle subit un héritage patriarcal ancestral, et on dit de lui qu’il n’a pas su lui montrer, qu’il l’a brimée, harcelée. Les non-choix de nos proches de suivre notre chemin sont ressentis comme autant de coups portés à notre réalité, celle que nous avons compris.
Une consommation effrénée, une haie coupée pour un chantier ; un énième achat de gadget électronique ; un épandage de désherbant ; une crémation répétée de poubelles dans le jardin ; une critique acerbe de l’Autre, celui qui « profite » : près de chez nous et un forage de gaz ; une construction de rond-point ; une destruction de zone humide pour un centre commercial, un peu plus loin de chez nous sont des coups portés à nos idéaux, ceux que nous pensons devoir suivre et ceux que nous pensons nécessaire à la survie de notre réalité d’habitants de la Terre et au BIEN-VIVRE de tous.
Mais tomber en décroissance, c’est une autre vie, l’ancienne n’ayant plus sa place, mais où pourtant les êtres ont encore gardés leur place, figés dans une image illusoire du bonheur obligatoire dans notre société de consommation. HEUREUX car ils ont tout ce qu’il faut avoir…
Un regret exprimé « j’aurais aimé avoir le courage de vivre comme je le voulais, et pas vivre ce qu’on attendait de moi » (regrets de fin de vie-étude du Guardian(2)). Des résurgences d’énergie créatrice d’espaces de « fabrication d’autres possibles » , des racines émergentes nous permettent d’avancer, mêmes s’il-elle-eux sont des liens solides qui telles des algues nous retiennent au fond. L’autre « Ailleurs », celui des « quartiers qui changent d’odeur et » où « l’air est meilleur » (W.Sheller (3)) nous attendent, ici ou ailleurs…
L’autre « Ailleurs » celui que nous avons trouvé ne doit pas entraîner de regrets, ne doit pas nous obliger à nous renier, à nous perdre. Il doit nous donner le courage de dire, le courage de faire, le courage d’avancer..le courage de vivre un autre bonheur.
« Les vraies récoltes se cueilleront en différé parce que nous ne savons pas aujourd’hui combien de graines d’espoir ont été semées …Prenez soin de vous, de vos envies, rêves et désirs. Ce sont eux qui font à travers votre propre bonheur, le bonheur du monde, à votre échelle et à l’échelle planétaire …» (therese Delfel)
Avec ou sans elle, sans lui, sans eux….
Noëlmh, le 21.06.13
Lire aussi « je suis tombée en décroissance … comme certains tombent amoureux »
(1) http://www.partipourladecroissance.net/?p=7705
(2) http://www.guardian.co.uk/lifeandstyle/2012/feb/01/top-five-regrets-of-the-dying
(3) Ailleurs William SHELLER -Mercury-Universal-1989
Cette lettre a vraiment fait écho pour moi, une fois tombé en décroissance, la vie devient plus dure. Radicalisé pour longtemps sous le poids de l’évidence, il faut continuer de vivre socialement, conserver le travail qui nourrit mais ne satisfait pas ses principes, garder les liens avec tous ces êtres chers qui ne comprennent pas nos convictions, comme disait No One Is Innocent, on vit dans un monde dont on ne s’évade pas.
MAIS. Il faut avoir conscience que nous ne sommes pas seuls, de plus en plus de gens entrouvrent les yeux, recommencent à comprendre qu’une société, un monde, c’est vivre ensemble et non aller droit à notre perte ensemble, ni crever à petit feu dans son coin, isolé hermétiquement des autres.
Il appartient à nous, décroissants d’ici et d’ailleurs, de faire preuve de pédagogie, de semer partout des petites graines de réflexion dans la tête des gens de tout age, de faire comprendre au maximum de gens que l’utopie ce n’est pas la décroissance, mais bien le monde dans lequel nous vivons d’ores et déjà… Il faut rester forts!!!!
Faire le sacrifice de ses artifices; l’argent est trop cher pour s’en faire un Frère… début d’une chanson à la gloire de la décroissance,pourquoi pas. En tou cas tu n’es pas seule loin s’en faut! Pacou du Roussillon .