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Marianne2 : Avec l’éruption du volcan Eyjafjöll, nous avons eu un avant-goût de la société que vous appelez de vos vœux ?
Vincent Liegey : Oui et non. Cela montre en tout cas notre dépendance à quelque chose qui est rare, quelque chose que l’on appelle le pétrole. Le volcan nous montre que nous vivons dans une société de la toute puissance, du « toujours plus » alors que nous sommes sur une planète finie, aux ressources finies. Ça questionne aussi notre mode de vie basé sur le besoin de consommer du mouvement perpétuel. Cela met en avant le fait qu’il existe une minorité — nous, Occidentaux — qui prend l’avion et qui pense aujourd’hui que prendre ce moyen de transport est aussi anodin que manger une baguette de pain.
Il doit y avoir quelque chose de décevant pour le militant que vous êtes : ce sont les « éléments » qui nous conduisent à la décroissance et n’ont pas une prise de conscience…
Ceux qui sont dans le déni, ceux qui font toujours plus dans le dogmatisme face à notre discours, sont aujourd’hui rattrapés par un phénomène physique. Il est dommage que nous soyons obligés d’en passer par là, d’autant que des gens sont bloqués, que la situation a créé de la frustration. Mais cette éruption volcanique peut avoir des effets pédagogiques. Serge Latouche, un des penseurs de la décroissance, parlait de « pédagogie des catastrophes ». Pour lui, les catastrophes naturelles ramènent l’Homme à plus d’humilité, de simplicité…
Cela montre aussi que le passage à la « simplicité » de la décroissance dont vous parlez se prépare et que les gens n’y sont pas vraiment prêts ?
Le passage peut-être totalement volontaire ou subi. Là, nous sommes dans une forme de récession subie. Mais a-t-on vraiment besoin de consommer des bananes qui viennent par avion de l’hémisphère Sud ? Nous sommes piégés par notre mode de vie.
Notre mode de consommation, mais aussi notre mode de production. La décroissance prône la relocalisation ?
La relocalisation est au cœur de la décroissance. Il doit y avoir une relocalisation de notre vie et de notre économie. Aujourd’hui, nous pêchons des crevettes à l’autre bout de la planète. Elles sont acheminées pour être décortiquées de l’autre côté de la planète encore. Puis elles voyagent à nouveau pour être emballées et sont réexpédiées là où elles seront consommées. Et tout cela se fait sur fond d’une dépendance à une denrée rare : le pétrole. Les décroissants ne sont pas contre le voyage. Mais nous sommes pour un voyage qui a du sens.
Ce que vous décrivez est peut-être valable pour les pays riches. Mais comment oser en demander autant aux habitants des pays les plus pauvres ?
Le problème de ces pays est qu’ils empruntent le même chemin de développement que le nôtre, basé sur un mode de vie consumériste. L’épanouissement de ses habitants passe par une réappropriation de leurs terres et par le fait que le Nord cesse de piller le Sud.
L’éruption du volcan Eyjafjöll et ses conséquences ont toutes les chances de n’être finalement qu’une « parenthèse décroissante ». Tout comme la crise a permis une prise de conscience tout ce qu’il a de plus temporaire ?
Avec la crise, une réflexion a en effet commencé même si — l’histoire l’a montré par le passé — le capitalisme a des capacités d’absorption phénoménales. Le volcan islandais aura lui aussi permis d’ouvrir un débat. Il est dommage de passer par là pour sortir du déni. Mais là aussi, le risque est en effet que tout reparte comme avant…
Vous êtes de ceux qui aimeraient que la paralysie du trafic aérien dure encore quelque temps ?
A une condition : que les laissés-pour-compte du volcan soient protégés. Mais pourquoi pas, si cela permet de continuer le débat.
source : Marianne 2 http://www.marianne2.fr/Les-decroissants-La-catastrophe-est-pedagogique_a192011.html
le débat suscité par cet article : http://www.marianne2.fr/Volcan-les-decroissants-imposent-un-debat-qui-l-est-moins_a192049.html
Lire aussi : « la fin du transport aérien dans 15 ans « très probable »« http://www.yvescochet.net/wordpress/?p=329
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