Recension parue dans L’Ecologiste n°11, octobre 2003, page 75
La technique bouleverse notre quotidien… mais pas nos intellectuels. La quasi-totalité d’entre eux ne s’y intéresse tout simplement pas – et certains tentent de la justifier. Parmi les très rares exceptions, Alain Gras, dont on a pu lire des articles dans de précédentes livraisons de L’Ecologiste, porte une conception du monde, non évolutionniste, non linéaire, qui ouvre un espace de respiration. Car selon l’histoire officielle, le silex conduirait au couteau, la noria à la pompe à moteur, le feu au nucléaire : telle seraient les étapes d’une évolution inéluctable dont l’aboutissement serait invariablement nos sociétés industrielles. C’est cette idée somme toute très naïve du « on n’arrête pas le progrès », autrement dit de la fatalité de la technique, qu’analyse et démonte l’auteur, professeur à la Sorbonne, dans Fragilité de la puissance. En effet, sommes-nous condamnés aux OGM, aux guerres du pétrole, aux barrages qui chassent des millions de gens de chez eux, bref à toutes ces inventions qui conduisent à fragiliser nos conditions de vie ? Ce livre montre de façon inédite et très originale que l’homme est libre face aux choix techniques. Nourri de nombreux exemples concrets, l’auteur montre que le choix est toujours possible en matière technique. Cet ouvrage constitue une formidable hymne à la liberté, ainsi qu’une lecture indispensable pour alimenter la critique du développement et de la croissance. Un livre clef pour comprendre notre époque.