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Le Parti Pour La Décroissance (PPLD) a été créé en 2006 à la suite des Etats Généraux de la Décroissance. Sans revenir sur le contexte et les débats générés par sa création, rappelons juste les critiques dures émises par Serge Latouche à ce sujet : « un manque de maturité politique » ; « on ne pouvait pas trouver mieux pour déconsidérer la décroissance et casser le mouvement à sa naissance que le lancement d’un ridicule parti de la décroissance ». Très vite ce parti s’écroule…
En janvier 2008, par hasard et naïveté, il est rejoint par plusieurs d’entre nous. Nous nous lançons alors à la fois dans une réflexion sur les manières de colporter la Décroissance en cohérence avec ses idées mais aussi sur les raisons de cet échec. Ces deux questions se rejoignent. Nous rencontrons plusieurs acteurs du mouvement de la Décroissance puis commençons à développer la stratégie politique que l’on retrouve dans la plateforme de convergence de l’AdOC, nouveau mouvement politique créé entre temps avec nos amis du MOC.
Suite à une crise de croissance, l’AdOC en tant qu’entité politique visible échoue. Nous nous recroquevillons dans nos coquilles, donc, par défaut, dans un parti : le PPLD.
Un Parti ? « Mais c’est pyramidal, partisan, une machine de guerre à élections, de quête de pouvoir pour le pouvoir, etc. »
Si nous sommes dans un parti, c’est alors plus par hasard que par choix. C’est d’autant plus surprenant que nous remettons clairement en question les institutions de notre modèle de société laissant croire que la politique se limite à son outil qu’est la démocratie représentative et son système de partis, ainsi que les rapports au pouvoir. Et nous participons aussi… à des élections… de manière non-électoraliste…
En fait nous expérimentons une stratégie qui consiste à changer la société à la fois à l’intérieur des institutions mais aussi à l’extérieur.
Comment s’y retrouver ? Un Parti qui n’a de parti que le nom et qui participe à des élections de manière non-électoraliste ?
Nous ne fonctionnons et ne souhaitons pas fonctionner comme un parti. Nous sommes un collectif autogéré et ouvert.
En fait, comme avec notre slogan provocateur Décroissance, et c’est la force de ce type de mots, ils ne nous dérangent plus une fois que nous nous en sommes appropriés le sens. Ainsi, le mot Parti, pour le PPLD, signifie la structure dans laquelle on réfléchit, débat, discute de manière conviviale mais aussi avec laquelle nous colportons la Décroissance de manière autogérée depuis plusieurs années. Et nous nous y sentons bien, dans cette coquille appelée parti…
Toutefois, à cause de ce que ce mot représente dans l’imaginaire collectif, à juste titre puisque nous le critiquons, nous nous coupons de certains sympathisants partageant la Décroissance en tant que projet, chemin et méthode…
Alors pourquoi conserver ce mot ? Peut-être pour dépassionner notre rapport au parti ? Peut-être parce que nous n’avons pas encore trouvé mieux ? Peut-être parce que cette étiquette reste utile dans notre démarche de transition ?
Comme pour le mot Décroissance, le débat reste ouvert. Mais le plus important reste ce qu’il y a réellement derrière les mots. Décolonisons notre imaginaire partidaire…
Sortir de la politique du combat pour tendre vers la politique du construire ensemble
Il ne suffit pas de s’appeler mouvement pour ne pas fonctionner de manière centralisée et partidaire. Il ne suffit pas de s’appeler union pour ne pas participer à des élections uniquement de manière électoraliste. Il ne suffit pas de s’appeler association pour dépasser les combats d’égos et les jeux de pouvoir. Ainsi, nous construisons la transition, de cette société de croissance, d’égos, de pouvoir, du spectacle, dans laquelle nous avons grandie et qui nous a conditionnée, vers des sociétés de convivialité, de partage et de responsabilité. Autant il est facile d’intellectualiser ces critiques, autant il est plus difficile de le pratiquer au quotidien de manière collective. Là aussi, nous l’avons souvent expérimenté.
Nous expérimentons de nouvelles manières de faire la politique, non plus pour prendre le pouvoir, que ce soit individuellement dans son groupe, ou collectivement dans la société, mais pour construire ensemble des alternatives, ouvrir des chemins vers de nouveaux modèles de sociétés soutenables et souhaitables.
C’est parti pour la Décroissance
Appuyons-nous, avec humilité, auto-critique, humour, respect et recul sur tous les outils en notre possession.
« Il y a autant de chemins vers la Décroissance que d’Objectrices et d’Objecteurs de Croissance »… et l’enjeu est de permettre à toutes et tous de choisir et de trouver celui où il aura sa place.
C’est pourquoi nous parlons des quatre niveaux politiques de la Décroissance, mais encore plus des façons de les faire interagir, tant ils sont complémentaires les uns avec les autres. Nous devons expérimenter, construire, déconstruire, explorer de nouvelles manières de vivre ensemble. Il s’agit de penser et de vivre un réseau horizontal de collectifs, de groupes, d’associations, de mouvements et peut-être de partis divers et variés, locaux et/ou thématiques, s’appuyant sur un ou plusieurs de ces quatre niveaux. Ces liens, ces passerelles entre chacun et chacune doivent être solidaires mais aussi critiques les unes et les uns avec les autres.
Dans cette logique de construire la transition, dans cette recherche d’une masse critique, nous devons nous approprier tous les outils de transformation à notre disposition, sans illusion, avec prudence et surtout en gardant toujours à l’esprit l’objectif initial de notre démarche : une société juste, conviviale, démocratique, soutenable et surtout souhaitable !
C’est pourquoi, et pas seulement, puisqu’il ne s’agit que d’un outil d’un des quatre niveaux mentionnés, que nous participons à des élections, de manière non électoraliste, c’est-à-dire, non pas avec une stratégie de prise de pouvoir mais comme un moyen de visibilité et de rencontres locales.
Cette stratégie a donné de la visibilité publique et médiatique à nos idées, les a fait avancer dans certains milieux militants et surtout a permis à des OC de se rencontrer localement ou autour de certaines thématiques et de constituer ainsi des collectifs.
Pour une Décroissance sereine, soutenable et surtout conviviale !
Pour conclure, oui nous sommes dans un parti qui n’a de parti que le nom, au vu de notre mode de fonctionnement artisanal, collectif, horizontal, autogéré et surtout convivial.
Peut-être allons-nous changer de nom afin d’avoir une image plus en adéquation avec ce que nous sommes ? Ou pas ?
Peut-être allons-nous croître ou pas ? Mais est-ce souhaitable ?
Oui nous participons à des élections, de manière constante et avec toujours le même objectif. Et surtout, oui, nous ne faisons pas que ça et nous questionnons, avec humilité, humour et auto-critique, comment colporter la Décroissance de manière cohérente… dans le respect de nos diversités.
C’est parti pour la Décroissance !
réponse à Vincze
Ok, en cliquant sur le lien du début de ton post, je viens de m’apercevoir que ta réponse n’en était pas tout à fait une, ce qui explique beaucoup de choses… Toutefois, je maintiens ma conclusion. À mon humble avis, le PPLD gagnerait à creuser encore davantage la question.
Cordialement
@ Vincze
Je ne reprendrai pas point par point votre post, mais je retiendrais juste que vous nous faites dire ce que nous n’avons pas dit. Me concernant plus particulièrement, il s’agissait simplement de dire deux choses :
1. La régulation de la population mondiale est l’enjeu écologique et économique majeur de notre temps. Ce n’est pas une hypothèse, ni une piste de réflexion, c’est juste incontestable.
2. La deuxième chose était de dire que ce projet est politiquement voué à l’échec, du moins à l’échelle mondiale, pour les raisons que j’ai pris la peine d’évoqué dans le post en question.
Je ne comprends donc pas bien le sens de ta réponse (un peu confuse il faut dire). Par ailleurs, tu sembles laisser croire que nous aurions dit que la limitation de la population nous dispenserait à nos yeux de mener de front une politique écologique par ailleurs offensive, ce qui est tout à fait inexact. L’un n’empêche pas l’autre (mais ce n’était pas le sujet). En revanche, toi tu prétends qu’on peut avoir une politique écologique efficace sans affronter la question de la surpopulation, et de ce point de vue nous sommes en complet désaccord.
« Pour une Décroissance sereine, soutenable et surtout conviviale ! »
=> La décroissance peut être sereine, soutenable et surtout conviviale selon moi si elle s’accompagne d’une décroissance démographique au plan mondial, l’économie étant maintenant mondialisée. C’est d’ailleurs ce qui différencierait une décroissance voulue d’une décroissance subie telle qu’on la connait aujourd’hui, qu’on appelle en général plutôt récession (pertes d’emplois et baisse de la production, associées à une population qui continue d’augmenter) que décroissance ! Le problème étant que chacun accepte cette idée, la plupart d’entre nous voulant avoir des enfants, et l’état français (ainsi que la plupart des états dans le monde) y contribuant très sensiblement avec les congés maternité, les allocations familiales, le calcul des tranches d’imposition, les primes de rentrée etc… La croissance démographique est l’essence du moteur croissance … et les aides d’état à la naissance huilent bien sûr le moteur . Voilà, c’est juste un point de vue personnel sur ce que pourrait être un système « décroissant », sur ce qui selon moi pourraient le rendre possible ! L’humain a-t-il vraiment besoin d’être toujours plus nombreux pour être heureux ? N’est-il pas capable de réguler sa propre population ?
Je partage ton avis Ferreol : la surpopulation mondial est le premier sujet, il faut en effet commencer par réguler la question de la population mondiale. La Chine montre l’exemple (une fois n’est pas coutume…).
Mais d’éminents démographes (travaux repris par de rares économistes) ont essayé de faire passer le message aux puissants de ce monde, sans succès… Le plus souvent pour des raisons religieuses. Seuls 7 pays sur 200 sont laïcs, et il y a encore quatre pays en Europe où l’avortement est interdit ; et ne parlons pas de l’Amérique latine et de l’Afrique, ou même -et surtout- des USA, où la mesure est tout simplement inimaginable aujourd’hui).
Et si un parti politique proposait ça en France, (après tout on serait en droit de nous préserver), on se heurterait immédiatement aux puissants lobbies capitalistes, religieux et « gauchistes », on aurait l’ensemble de l’échiquier politique unanimement opposé à cette idée. On serait le nouveau FN en pire, car pour réguler la population française, « on s’attaquerait à la valeur famille » (on les entend déjà), ET il faudrait en plus avoir une politique de l’immigration au moins aussi dure que le Japon ou le Canada (par exemples), les deux vont ensemble. Et puis pour les religieux (toutes les religions), nous serions le diable en personne.
Bref, le meilleur chemin pour la décroissance ce n’est pas pour demain. On y viendra par la force des choses, quand on pourra plus faire autrement, dans quelques décennies. C’est dommage, parce que la régulation des populations serait également une très bonne chose pour les populations des pays pauvres.
Voir la position du PPLD sur la question démographique : http://www.partipourladecroissance.net/?p=7386
Décroissance et démographie ?
« Le problème n’est pas le nombre de personnes sur terre mais le nombre d’automobilistes »
Trop souvent, les objectrices et objecteurs de croissance balaient rapidement le débat sur la démographie d’un revers de main avec ce genre de boutade. Sommes-nous trop nombreux sur terre ? Sommes-nous pour la décroissance de la population mondiale ? Et si oui, comment et jusqu’à ou ? Si nous ne considérons pas ces questions comme centrales, elles nous sont trop souvent posées. Une simple boutade n’est pas suffisante et cela prouve que ces questions méritent d’être débattues.
1) La Décroissance est un nouveau projet politique multidimensionnel et radical, c’est ce qui fait sa cohérence :
La Décroissance s’appuie sur deux approches :
– Les limites physiques de la croissance avec la nécessité de construire une transition. Les réflexions sur la question démographique font partie de cette approche.
– Les limites culturelles de la croissance avec la désirabilité de nouveaux projets de sociétés. C’est le buen vivir.
Nous faisons face à une convergence de crises. Donc trouver des solutions à cette crise anthropologique ne consiste pas uniquement à soigner les symptômes, dont l’explosion démographique fait partie, de l’impasse dans laquelle nous amène toujours plus vite la société de croissance, mais au contraire d’essayer de comprendre l’essence même de ce processus afin de l’enrayer à la racine. C’est pourquoi nous pensons que nous devons réfléchir à la mise en place d’une transition démocratique et sereine vers de nouveaux projets de sociétés soutenables et souhaitables. Nous devons partir de la société dans laquelle nous sommes et telle qu’elle est psychologiquement, culturellement, socialement mais aussi institutionnellement, politiquement, économiquement et démographiquement. Cette transition ne sera démocratique et sereine que si on trouve des leviers politiques, économiques et sociaux suscitant une forte adhésion et participation à celle-ci.
Limiter le débat à la décroissance démographique, ou même à la décroissance de l’empreinte écologique des plus riches, est contre-productif et risqué :
– Contre-productif car si avoir raison était suffisant et si l’homme, en particulier les décideurs, n’était guidé que par des réflexions rationnelles, la population mondiale aurait été limitée à un nombre que ces experts auraient défini comme optimal. Nous serions sortis de la société de croissance et aurions arrêté cette folle course d’une société de domination d’une minorité sur la majorité et de tous sur la nature… Malheureusement, ou heureusement, l’homme n’est pas rationnel et s’est embarqué dans le délire croissanciste.
– Risqué voire dangereux, car limiter le débat à la question du nombre ouvre la porte à des politiques eugénistes inquiétantes, on ne gère pas la population mondiale comme un stock de voiture. Elle permet aussi d’éluder la partie immergée de l’iceberg (le non sens de la société de croissance !) et pourrait devenir un outil efficace pour l’oligarchie autoritaire afin de ne surtout pas remettre en question sa position de domination. De plus, on a déjà pu voir d’une part l’inefficacité et d’autre part les conséquences désastreuses de politiques anti-natalistes (exemple de l’enfant unique en Chine) !
Ainsi, nous nous positionnons ni en faveur d’une politique anti-nataliste (depuis quand ne pas vouloir faire d’enfant est une société d’avenir ?), ni en chantre de la natalité avec des politiques natalistes qui s’inscrivaient et s’inscrivent dans cette logique productiviste morbide et de compétition économique : avoir toujours plus de chaire à canon et de force productive. Il faut donc sortir de la binarité nataliste / malthusien sur cette question. L’enjeu est bien d’essayer de comprendre le problème dans sa complexité multidimensionnelle et d’essayer de réfléchir, de construire et d’expérimenter des utopistes et cette transition qui est déjà en route…
2) Nourrir la planète et Décroissance ? Démographie et inégalités sociales et environnementales :
Alors que nous produisons suffisamment de nourriture pour satisfaire les besoins de l’ensemble de la planète, plus d’un milliard de personnes souffrent de malnutrition et plusieurs millions, en particulier des enfants, meurent de faim chaque année. Il y a également 1,5 milliard d’humains qui souffrent d’obésité dans le monde. En fait, aujourd’hui on meurt plus d’obésité et de malbouffe que de faim ! Le problème est donc fondamentalement systémique et politique.
La question de la production de nourriture et la manière dont nous la produisons est centrale. Tout comme notre mode d’alimentation, notamment la quantité d’alimentation carnée que nous consommons. Une étude de la FAO, reprise par Ziegler, précise que l’on peut nourrir 12 milliards de personnes avec une agriculture soutenable de proximité et sans manger de viande.
Il est certain que sans cette croissance démographique que l’on a connu ces dernières décennies, la situation serait plus simple et cela ne veut en aucun cas dire qu’il faut atteindre les 12 milliards d’habitants sur terre. Cela montre que la question démographique, à 7 milliards, n’est pas le problème numéro un aujourd’hui. C’est bien évidemment un facteur important mais en aucun le seul facteur qui permettrait de résoudre tous les problèmes.
Il s’agit avant tout d’une question de choix démocratique et juste : partage des terres, de la nourriture, des énergies, organisation, quel type d’agriculture soutenons-nous, quelle alimentation, quelles solidarités, quelles modèles économiques, politiques, etc.
Aujourd’hui, que ce soit à travers les politiques de développement soutenu par des institutions telles que le FMI ou la banque mondiale, que ce soit avec le développement criminel des agro-carburants, que ce soit la course infernale à l’appropriation de terres agricoles en Afrique ou en Amérique du Sud, que ce soit la politique agricole commune, nous faisons exactement le contraire de ce que l’on devrait : nous exproprions des petits paysans, nous détruisons les cultures vivrières, les tissus sociaux associés, les savoir-faire, nous rendons les paysans et notre agriculture dépendants des multinationales (avec le brevetage du vivant) et des énergies fossiles (engrais, pesticides, motorisation, conditionnement, emballage et distribution), nous détruisons les sols en les polluant et en les appauvrissant et détruisons la biodiversité.
3) Sortir de la société de croissance et du développement met en place de manière sereine les conditions d’une autre démographie :
Nous faisons face à des phénomènes et à des dynamiques très différentes. Pour les classer :
– Développement d’un mode de vie et de consommation à l’occidentale, notamment la consommation carnée, qui n’est ni soutenable ni généralisable et encore moins souhaitable (quel que soit le niveau de population mondiale !).
– Le développement d’une agriculture intensive pour les raisons et avec les conséquences évoquées plus haut.
– Une transition vers un autre modèle difficile si non mis en place rapidement : à titre d’exemple en Europe, l’arrêt d’importation de pétrole peut se faire de manière instantanée et nos réserves nous permettent de ne tenir que quelques semaines, alors que la réhabilitation de sols surexploités peut prendre plusieurs années !
– La croissance non souhaitable de la population mondiale, qui a tendance à se ralentir mais qui est sur des dynamiques longues.
Donc il faut d’abord jouer sur les trois premiers points pour permettre de vivre de manière soutenable et juste sur la terre. Le quatrième doit aussi être pris en compte. Mais la baisse de la population mondiale doit s’inscrire dans le cadre d’un projet de transition sereine et démocratique, en s’appuyant ni sur la contrainte (éco-fascisme ?) ni à travers des plans délirant barbares (politique anti-nataliste autoritaire, eugénisme, organisation de famines, d’épidémies, de guerres, etc.). Tandis que l’oligarchie néolibérale se limite à des programmes morbides de planification familiale et de contraception, sans redistribution des richesses. L’objection de croissance visent à une transition et donc une redistribution des richesses plus juste qui est une des conditions majeurs pour la baisse souhaitable et souhaitée de la natalité, grâce à l’émancipation des femmes, par leur accès à l’éducation, leur autonomie personnelle et professionnelle.