Malgré tous les efforts de la sphère médiatique pour endormir la population avec des informations insignifiantes, les vacances n’ont pas empêché les consommateurs de constater la reprise de la hausse
Un prix qui monte, qui monte, qui monte …
Alors que le prix du Brent a augmenté de 25 dollars en deux mois, passant de 90 à 115$/baril, l’actualité internationale est loin de rassurer les marchés.
Au Venezuela, une des plus grosses raffineries du monde était en feu depuis quatre jours après une explosion. On dénombre 48 morts et des dégâts très importants. La capacité de cet immense site est d’environ 1 Mb/j soit 1,1% de la capacité mondiale.
© Reuters / Marife Cuauro
Dans le golfe du Mexique, 93% de la production de pétrole soit 1,3 Mb/j et 67% de la production de gaz ont été stoppées et les travailleurs évacués de 49 sites en prévisions du passage de l’ouragan Isaac. De plus, six raffineries d’une capacité totale de 1,3 Mb/j ont été fermées en Louisiane pour la même raison. Dans ces circonstances, il est d’ailleurs fort probable que les Etats-Unis utilisent leurs réserves stratégiques (722 Mb stockés dans le golfe du Mexique) pour soulager un peu la tension sur les prix de l’énergie.
Enfin, l’euro ne cesse de baisser face au dollar depuis un an, en passant de 1,45$ à 1,25$, ce qui ne manque pas d’alourdir la facture pétrolière des pays de la zone euro. En effet, le pétrole étant coté en dollars, la facture des consommateurs européens augmente d’autant plus que l’euro est en baisse. Cette situation avait d’ailleurs été protectrice en 2008, puisque l’euro était très fort et l’impact de la hausse des cours du pétrole a pu être mieux amorti chez nous.
Bref, faut-il le répéter, le prix du pétrole sera élevé, sauf crash économique majeur qui ferait baisser la consommation mondiale (ce qui ne manquera pas d’arriver un jour ou l’autre, étant donné le contexte).
Le pansement sur la jambe de bois
Face à cette situation, voici que le gouvernement français nous annonce une baisse de 0,06€/L d’essence dont la moitié serait prise en charge par l’Etat (manque à gagner de 300 M€) et l’autre par les pétroliers. Pour le consommateur, cela représente une économie moyenne de 72€/an. Au-delà de l’aspect marginal et populiste d’une telle proposition politique, je m’interroge sur l’ignorance ou l’aveuglement des décideurs. L’idée est de s’appuyer sur l’article L 410-2 du code du commerce qui permet de réguler les prix en cas de « situation exceptionnelle » pour instaurer un blocage temporaire.
Nous pouvons raisonnablement nous demander si les hautes responsabilités ne provoqueraient pas des troubles de la perception, qui conduiraient à qualifier d’exceptionnel un prix de 100$/baril, alors que le Brent est à 90$/baril en moyenne depuis 2007 et 104$/baril depuis 2010. Si une situation de cinq années est exceptionnelle, que dire de la durée d’un mandat présidentiel ?
Quant au cours de l’Euro, nous avons rejoint le niveau de juin 2010 et de mars 2009, mais là aussi, les perspectives de l’économie européenne étant ce qu’elles sont, je ne vois pas ce qu’il y a d’exceptionnel.
De la folie de ceux qui veulent que le prix monte
Donc, selon les sondages, 88% de la population serait pour une baisse des prix de l’essence. Mais qui sont donc les 12% restants qui aiment payer plus ? Peut-être des écolo-catastropho-pessimistes qui aiment payer plus cher les légumes bio et qui font du vélo même quand il pleut ? Ou alors simplement des gens qui pensent que le pétrole, non seulement va être durablement cher, mais va devenir de moins en moins disponible, surtout pour les pays comme le nôtre qui n’en ont pas du tout.
Alors, ces gens bizarres doivent se dire qu’un pétrole dont on baisse le prix ne permet pas l’adaptation de la société, que si nos voitures consomment moins que celles des américains, c’est parce que notre essence est plus taxée, que si l’étalement des villes est si important aux Etats-Unis, c’est parce que l’urbanisation y est basée sur une essence quasiment gratuite.
Probablement qu’ils ont fait le constat que l’essence est de plus en plus chère, mais ils ne croient visiblement pas aux miracles, comme par exemple le remplacement de 32 millions de voitures françaises par des voitures électriques (dont on ne sait ni comment les alimenter, ni avec quoi fabriquer les batteries qu’il faut changer tous les 5-10 ans, ni avec quel argent les acheter). D’ailleurs, le prix de l’électricité augmente lui aussi, bizarrement … tout comme celui du gaz ! Ils ne croient pas non plus que l’on puisse remplacer les camions, les tracteurs et les avions qui fournissent notre alimentation quotidienne.
Evolution du prix de l’électricité (source: Jacques Foos)
Bref, ils doivent surement se dire qu’il faut changer maintenant d’organisation, plutôt que gaspiller des centaines de millions d’euros pour que les français économisent 72€/an et se retrouver au pied du mur dans les semaines/mois qui viennent.
Le plus bizarre chez ces marginaux, c’est qu’ils ne croient pas qu’une situation qui dure depuis plus de cinq ans soit exceptionnelle. Ils seraient même assez fous pour penser l’inverse, c’est à dire que les périodes de baisse ne pourront pas durer. Ils doivent surement penser que les responsables politiques ont une réelle volonté de tromper la population, en faisant croire que tout cela est passager, qu’il suffit de serrer les fesses et que tout va bien se passer quand la croissance va repartir. Ou bien peut être qu’ils les pensent incompétents, tout simplement.
Non vraiment, cette petite minorité ferait mieux de se taire, d’autant plus que les publications affirment que nous ne manquerons pas de pétrole dans les années qui viennent. D’ailleurs, nous n’en avons jamais eu autant parait-il ! Quoi ? On ne vous a pas dit ? Et bien oui, plus on puise dans un stock et plus on a de réserves, c’est la magie des chiffres, la prestidigitation des organisations mondiales et des compagnies pétrolières.
Les rapports et articles se succèdent ces dernières semaines, publications de marchands de doutes pour expliquer le formidable boom de l’industrie pétrolière. Ils ne comprennent pas que lorsqu’un enfant ne veut pas dormir, il ne sert a rien de hurler la berceuse!
Par ailleurs, ils n’expliquent pas que les investissements nécessaires sont immenses, que les risques technologiques et les impacts environnementaux augmentent de manière exponentielle, que la situation géopolitique est exécrable et que les économies sont surendettées, pour ne pas dire ruinées, incapables d’assumer un pétrole deux fois plus cher. Alors, la production miraculeuse ne viendra pas, car la croissance des économies occidentales est morte et incapable d’apporter les milliers de milliards nécessaires pour continuer à aller travailler tous les matins à 100 km de chez soi ou à prendre la voiture pour aller acheter le pain au bout de la rue. Le gouvernement américain essaye bien de sauver la face en manipulant les chiffres de l’inflation, mais en réalité, son économie est en récession depuis plus de 10 ans. Qu’en est-il de l’économie européenne ?
La courbe rouge est l’évolution officielle de la croissance américaine, avec la nouvelle méthode de calcul de l’inflation. La courbe bleue est la croissance calculée sans distorsion, c’est à dire utilisant la méthode de calcul précédente.
La croissance n’est plus et notre Président ferait bien de ne pas gaspiller les précieux millions que nous pouvons encore dépenser, pour les utiliser dans un vaste chantier de préparation de l’après pétrole.
Vous l’avez compris, je fais partie des 12% et je pense que la baisse artificielle et provisoire du prix de l’essence est absurde car elle ne s’accompagne pas d’une profonde mutation de notre économie. C’est un immense challenge pour tout le monde, mais plus les gouvernements s’entêteront à sauver la face d’une économie moribonde, plus ils aggraveront la situation et priveront la population des moyens de réaliser le changement (le VRAI changement)!