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Décroissance choisie ou récession subie ?
Pour ce numéro nous avons le plaisir d’accueillir Vincent Liegey du Parti pour la décroissance.
Depuis le début des années 2000 est né un mouvement de pensée autour d’un slogan provocateur : La Décroissance. Le but est d’ouvrir un débat sur l’évidence qu’une croissance illimitée dans un monde limité est une absurdité». D’abord présent avec sa critique radicale de la société occidentale et l’impasse dans laquelle elle se trouve, la Décroissance propose des pistes répondant à la convergence de crises, toutes interconnectées, à laquelle nous faisons face : crises économique et financière, crises environnementale et énergétique, mais aussi crises sociale, politique et culturelle.
Dans une démarche de convergence et de dialogue, la Décroissance expérimente aussi de nouvelles manières de vivre ensemble à travers diverses alternatives concrètes : simplicité volontaire, monnaies locales, systèmes d’échanges, villes en transition, jardins communautaires, ateliers autogérés, permaculture, etc.
L’enjeu est d’initier et d’accompagner la transition vers de nouveaux modèles de sociétés à la fois soutenables mais surtout souhaitables. Cette transition doit être démocratique, participative et sereine. C’est pourquoi nous nous opposons aux plans d’austérité qui participent à une récession subie et détruisent les fondements de nos sociétés (éducation, santé, culture, environnement, solidarités, etc.) et favorisent les replis identitaires et les discours populistes.
Les notions de revenu inconditionnel d’existence, de revenu maximum acceptable, d’extension des sphères de la gratuité, de renchérissement du mésusage, de monnaies locales, de relocalisation ouverte, de transition, mais aussi les questions de stratégies politiques et d’organisations du mouvement ont été, ces dernières années, au centre des discussions et des débats au sein des composantes du mouvement de la Décroissance. Depuis quelques mois, certaines thématiques ont été approfondies, notamment sur la politique à adopter face à la dette et à la création monétaire, sur l’après-pétrole, sur la façon de sortir du capitalisme et du productivisme ou encore sur la manière de repolitiser la société.
Ces discussions ont abouti, pour une grande partie d’Objectrices et d’Objecteurs de croissance (OC), à la Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (DIA) couplée à un Revenu maximum acceptable (RMA), devenus un chapeau de mesures économiques et sociales susceptibles d’enclencher des cercles vertueux pour tendre vers une Décroissance soutenable, sereine et conviviale.
Cette Dotation consiste à donner à toutes et tous, de manière inconditionnelle, de la naissance à la mort, ce que l’on considère démocratiquement comme permettant d’avoir accès à une vie frugale et décente. Au-delà d’un simple correctif, cette dotation vise à susciter dialogues et débats sur ce qu’est le « vivre ensemble », sur la manière de créer
« plus de liens » sans pour autant créer « plus de biens ». Il s’agit de consommer moins, en partageant mieux.
Elle englobe le droit à un logement, à un local d’activité ou une parcelle de terre, le droit à une nourriture locale et saine, à des produits de première nécessité tels que vêtements, meubles ou outils à travers une monnaie locale, à un droit de tirage sur l’eau et les énergies sur le principe de gratuité du bon usage ainsi qu’un droit d’accès à des services publics comme l’éducation, la santé, la mobilité ou la culture.
Sa faisabilité est assurée par le RMA et le renchérissement du mésusage de certains biens et services. Mais la question de la faisabilité est surtout celle d’assumer un choix politique ambitieux.
Sa mise en place est progressive et évolue au fur et à mesure que la société se transforme. On peut commencer par le partage et une baisse importante du temps de travail. Le temps libre pourrait ainsi être utilisé pour susciter une plus forte participation à la vie de la cité à travers les alternatives concrètes et une relocalisation ouverte de nos économies et productions. Une deuxième étape pourrait consister en la mise en place d’un revenu d’existence couplé à un revenu maximum et une réappropriation de la création monétaire, l’annulation d’une partie des dettes publiques. Enfin, en s’appuyant sur les alternatives concrètes, ce revenu inconditionnel serait à terme démonétarisé et remplacé par ces droits d’accès et de tirage, en s’appuyant sur des réflexions telles que qu’est-ce qu’on produit ? Comment ? Pour quel usage ?
Vincent Liegey, Anisabel Veillot, Christophe Ondet et Sétphane Madelaine.
A venir : Un projet de Décroissance, Manifeste pour une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie, Editions Utopia, janvier 2013.
A lire aussi dans ce numéro, entre autres : Utopia : La centralité de la valeur travail